RDC : Joseph Kabila sort du silence, une adresse à la Nation pour une refondation

Dans une sortie très attendue, l’ancien président de la République Démocratique du Congo, Joseph Kabila Kabange, a brisé un silence politique de six ans. Depuis sa retraite volontaire du pouvoir en 2019, l’ancien chef de l’État s’était imposé une réserve rigoureuse. Mais le soir de ce 23 mai 2025, dans un discours solennel et dense, il décidé de s’adresser directement au peuple congolais avec un ton gravé d’amertume sur l’enjeu existentiel.
Dès les premiers mots, Joseph Kabila pose le décor : « Le pays est gravement malade, et son pronostic vital est engagé ». L’ancien président ne s’adresse pas à ses partisans, mais à l’ensemble de la nation, qu’il exhorte à un « sursaut patriotique » pour sauver ce qu’il qualifie de « bien commun en péril ».
Tout au long de son allocution, l’ancien chef d’État dresse un réquisitoire sans concessions contre la gouvernance actuelle, incarnée par son successeur Félix Tshisekedi. Il accuse ouvertement ce dernier d’avoir « dilapidé l’héritage » laissé en 2019, un pays pacifié, une économie stabilisée, des institutions en place et une armée en reconstruction.
Joseph Kabila dénonce une série de dérives qu’il qualifie de « dictature rampante ». Il fustige la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme, l’instrumentalisation de la justice, le populisme, le tribalisme, la corruption à grande échelle et l’effondrement des contre-pouvoirs. Il n’épargne pas le Parlement, qu’il décrit comme une « chambre d’enregistrement », ni la justice qu’il accuse d’être « un instrument d’oppression ».
Il évoque également la déliquescence de la situation sécuritaire, dénonçant les massacres impunis, la prolifération de groupes armés et la perte du monopole de la violence par l’État. « L’armée nationale est vilipendée alors qu’elle est le bouclier de la nation », martèle-t-il.

Au-delà des critiques, Kabila propose une voie de sortie à la crise. Il appelle à un « pacte citoyen » fondé sur douze piliers clés : fin de la dictature, restauration de l’État de droit, réconciliation nationale, retrait des troupes étrangères, lutte contre la corruption et relance du développement économique. Ce programme s’inscrit selon lui dans une logique de refondation de l’État.
« Le Congo ne peut continuer à être la caricature que ses dirigeants actuels en donnent », déclare-t-il, appelant à un retour aux fondamentaux du Pacte républicain de Sun City et à la Constitution de 2006.
Sans déclarer explicitement son intention de briguer à nouveau le pouvoir, Joseph Kabila se positionne en recours. « Je m’engage à jouer ma partition », affirme-t-il, dans un ton mesuré mais résolu. Son discours résonne comme une volonté de réintégrer le débat national, de devenir à nouveau un acteur incontournable dans la résolution de la crise actuelle.
Fidèle à sa vision géopolitique, Kabila évoque également le rôle du Congo dans la région des Grands Lacs. Il critique l’abandon du Pacte de stabilité régional et l’alliance avec des groupes armés comme les FDLR. Il appelle la communauté internationale, mais surtout les Congolais eux-mêmes, à recentrer les efforts sur la souveraineté nationale et l’intérêt collectif.
Un discours de rupture historique

Ce discours marque un tournant majeur. Non seulement Joseph Kabila sort de sa réserve, mais il s’érige en voix forte d’un contre-pouvoir populaire face à une gouvernance qu’il juge dangereuse et illégitime. En appelant à la mobilisation générale, il repositionne sa stature d’ancien président comme celle d’un patriarche politique prêt à reprendre la parole pour « sauver la République ».
Reste à savoir quel écho trouvera ce message au sein de la population congolaise, dans les rangs de l’opposition et surtout auprès d’un pouvoir en place déjà en posture défensive.
Alors que le pays vacille entre instabilité et résignation, la voix grave de Joseph Kabila vient briser le silence comme un coup de tonnerre dans un ciel assombri. Ce discours n’est pas qu’un simple rappel d’un passé révolu, c’est un avertissement solennel, un acte politique majeur, et peut-être le prélude d’un retour au cœur du jeu. Le peuple congolais, seul arbitre ultime de son destin, saura-t-il entendre l’écho de cet appel venu du silence ?